Cap sur la coquille Saint-Jacques en Normandie
Port-en-Bessin-Huppain, à quelques kilomètres de Bayeux, est le premier port de pêche de coquilles Saint-Jacques de la Baie de Seine. Le spectacle du retour des bateaux vaut le détour. Nous avons aussi fait nos achats à la halle et cuisiné avec le chef Nicolas Marie.
Port-en-Bessin, un frisquet lundi de février. A 20 heures, la nuit est déjà tombée et la petite ville de 2 000 habitants, à peine éclairée par la pleine lune, est encore bien tranquille. Tout comme sa rade, quasiment vide. Calme plat. Seules quelques lumières au large annoncent le spectacle qui se prépare: le ballet du retour des bateaux de pêche à la coquille Saint-Jacques, qui attendent avec impatience au large le flux de la marée pour entrer et décharger leur précieuse cargaison, nous explique Didier Llorca, le directeur de l’Office de tourisme Bayeux Bessin. Et à 20h45, en effet, c’est déjà le branle-bas de combat devant l'écluse.
Soixante bateaux chargés de coquilles
Une soixantaine de navires multicolores, petits et gros, illuminés comme des sapins de Noël et tous moteurs ronflants, se pressent à touche-touche. Et à 9h05 pétantes, c’est la course pour entrer au port. Les bateaux sont immatriculés à «Port», c’est ainsi qu’on nomme ici la ville, mais aussi à Granville, Cherbourg, Dieppe, Boulogne… Les premiers arrivés accostent immédiatement pour un nouveau ballet: le déchargement des casiers, coquilles triées et calibrées, qui rejoignent les entrepôts de la criée ou, rangés directement dans des camionnettes réfrigérées, filent vers leur port d’attache. Les gestes sont précis: à cette époque de l'année, les équipages sont rodés. Chacun sait ce qu'il a à faire.
Un cahier des charges très strict
La Baie de Seine, de la pointe de Barfleur au Cap d’Antifer (au Nord du Havre), est l’un des plus gros gisements de coquilles Pecten maximus, grâce à une reproduction naturelle et une gestion au millimètre de la ressource. Tout est en effet codifié, à commencer par la durée de la saison, variable selon les zones, mais qui s’échelonne du début octobre à la mi-mai. Les sorties sont limitées à trois ou quatre jours par semaine, pour des durées de "cueillette" - c'est le mot employé - de trois heures maximum. La longueur des bateaux ne dépasse pas16 mètres, le nombre de dragues est de 16 tout au plus (2x8) et la taille de leur maille doit être inférieure à 11 cm (10,2 à Granville). Enfin, pas plus de1,5 tonne ne doit être débarquée par bateau à chaque sortie.
Un gisement de 85 000 tonnes
C’est ce cahier des charges très strict, sanctionné par des amendes et des retraits du droit de pêche en cas de non-respect, qui a permis non seulement de gérer la ressource mais aussi de pouvoir attribuer à la plupart des coquilles sorties de l'eau le Label Rouge coquille Saint-Jacques fraîche et entière de Normandie, garant de leur taille, de leur fraicheur et de leur qualité gustative. Au final, quelque 35 000 tonnes de coquilles de Baie de Seine, dont environ3400 tonnes pour le seul Port-en-Bessin, sont récoltées chaque année. A peine 40% du stock de la baie, estimé de 85 000 tonnes, est prélevé tous les ans. Une réserve en croissance régulière à laquelle participe de plus en plus le réchauffement des eaux lié au changement climatique. La Normandie, au total, livre 80% de la coquille coraillée française.
Achats directs chez les pêcheurs
Après le spectacle, emballé pesé en 90 minutes, nous filons nous restaurer en ville, au Vauban, avant de rejoindre pour la nuit le6.3 RestoHome, le gite/restaurant de Delphine et Nicolas Marie. Le lendemain matin, bonnet sur la tête et gants enfilés - on approche du 0°C - direction la halle aux poissons avec une petite halte dans l’église Saint-André où les nombreux ex-voto – des maquettes de bateaux offertes par les marins rescapés de naufrages – témoignent de la rudesse et des risques du métier.
Dans la halle, les pêcheurs alignent comme à la parade le fruit de leur travail : coquilles et bulots, une autre spécialité locale, mais également merlans, tacauds, carrelets, plies, harengs… Jusqu’à 70 espèces de poissons sont proposées à la criée. Ici c’est de la vente directe des pêcheurs portais : le Tanaelïs, le Jusant II, l’Adrianna II… Tout est d’une fraicheur absolue et les prix défient toute concurrence.
Tartare et risotto… au pont-l’évêque
Les achats faits, retour en cuisine pour une masterclass avec le chef Nicolas Marie. Il nous initie d'abord à l’ouverture des coquilles, à en détacher la noix sans n’en rien perdre ni abimer le corail. Un coup de main qu’on acquiert au prix de quelques ratés et petites écorchures ! Vient ensuite la phase culinaire avec la préparation d’un tartare de Saint-Jacques et son condiment (jus de citron, vinaigre blanc, sauce soja), avec des champignons de Paris et des pickles d’oignons rouges. Avant le plat de résistance : un copieux risotto au pont-l’évêque, accompagné de Saint-Jacques snackées au beurre, de poivrons rouges justes revenus et d'une sympathique sauce à la crème - nous en sommes en Normandie – à base du corail flambé au calvados et mouillé au cidre !
Plus de deux heures de démonstration, de conseils, d'astuces en prélude à une joyeuse dégustation attablé avec Nicolas Marie. L’après-midi, petit tour à l’impressionnante aire de maintenance et de carénage, qui attire des bateaux de toute la région. Port-en-Bessin a su en effet jusqu'à présent maintenir l'équilibre entre la pêche et l'activité touristique. L'après-midi, on file à Bayeux, à 8 kilomètres, découvrir les richesses de cette belle petite ville.
Cette "expérience normande" (retour de pêche, nuitée, petit déjeuner, découverte de la halle, courses, masterclass et déjeuner du midi) est proposée à 380 € pour deux personnes. Le 6.3RestoHome, 63 rue de Bayeux, 14520, Port-en-Bessin-Huppain. Tél.: 07 87 3492 71Voir sur Facebook
Regards croisés Tourisme
- Port-en-Bessin-Huppain accueille tout au long de l’année de nombreux touristes, en particulier anglo-saxons, attirés par le souvenir du débarquement en Normandie de 1944. Quelques scènes du film Le Jour le plus Long ont été tournées ici.
- Bayeux, outre sa fameuse « tapisserie » - en réalité une broderie de presque 70 mètres de long – connue dans le monde entier, peut aussi s’enorgueillir d’une superbe cathédrale. Ne manquez pas de la visiter.
Regards croisés Santé
- On aime la profusion des poissons, des crustacés et des coquilles, servis par une pêche locale très active. Un régal en bouche et pour la santé.
- Comme souvent en Normandie, beurre, crème, calvados et cidre sont très présents dans les assiettes. Les assiettes sont généreuses. À chacun de faire la juste part entre le plaisir des papilles - indispensable – et la santé de ses artères !