A Biarritz, duo de chefs au sommet
Quand la cuisine est à la hauteur du lieu, la fête ne peut être que réussie. À La Rotonde, le restaurant gastronomique de L’Hôtel du Palais de Biarritz, le chef Aurélien Largeau - récemment désigné Grand de Demain par le guide Gault & Millau -, et son compère Aleksandre Oliver font un sans-faute. On l'a testé pour vous !
Il y a des restaurants gastronomiques dont on sort fourbu et déçu après quatre heures passées à table. Rien de tel dans ce palace. Installés derrière la vaste baie vitrée de la Rotonde face à l’océan, le restaurant étoilé de l’Hôtel du Palais, le temps est vite rythmé par le menu « Sur le fil de l’iode », un voyage gourmet en huit escales proposé par le jeune et talentueux tandem constitué du chef cuisinier Aurélien Largeau (30 ans) et du chef pâtissier Aleksandre Oliver (33 ans).
Après un petit « shot » d’eau pétillante aux algues et à l’Italicus, une liqueur italienne au cédrat et à la bergamote, histoire de stimuler les papilles, les amuse-bouche donnent vite une idée du parcours.
Un menu hyper iodé
Des saveurs marines des amuse-bouche aux desserts
Tomate et caviar
On s’ouvre l’appétit avec un petit tartare de saint-pierre aux raisins de mer, une déclinaison subtile de la carotte et une tartelette au crabe. Du technique, du cousu main. Et on termine cette séquence par une étonnante omelette blanche (que du blanc d’œuf, pas de jaune) à la morue façon raviole, sauce à la pomme et couturés de délicates fleurs.
Des ingrédients simples et populaires mais magnifiés autant par leur association que par la mise en scène graphique. La suite, le mariage de la tomate avec un délicat caviar de Madagascar (Rova), relevé par la saveur légèrement poivrée de la feuille de capucine, rappelle que la noblesse culinaire gagne à fréquenter la roture avec élégance.
Hommage au homard
Idem pour ce « monument » qu’est le homard de casier fumé au pin des Landes, rappelant la mouclade, somptueusement marié à la betterave. Aurélien Largeau, Jeune Talent 2019 Gault & Millau et récemment désigné Grand de Demain par le guide a élaboré ce plat signature quand il officiait à la « Table d’à Côté » de Christophe Hay à Ardon, près d’Orléans.
Le crustacé est traité en trois façons de la tête à la queue, y compris l’intérieur de la tête (en mayonnaise), le corail (en sauce au pineau des Charentes, versé sur le corps) et la laitance en aigre douce. La betterave cuite au sel est utilisée pour laquer la chair des pinces, piquées par un petit fagot d’aiguilles de pin qu’on prend du bout des doigts et sous forme de voile quasi transparent.
La langoustine « à la basque »
Mais pas le temps de trop s’attarder. La suite n’en est pas moins réjouissante, très terre-mer : la langoustine, farcie à la tomate et au poivron, est servie avec des kokotxas (menton en basque) de merlu et des moules fumées sur lesquels est versée une soupe claire à base des têtes infusées à la verveine et au chorizo. On est en plein pays Basque !
Et comme avec le homard, le petit cérémonial du bouillon chaud versé dans l’assiette – outre l’intérêt gustatif – régale aussi les yeux et donne le tempo du repas. D’où l’intérêt d’un service en salle, quand il est bien fait et sans ostentation superflue.
La sole d’Escoffier revisitée
On accélère, au risque sinon de passer plus de temps à la lecture qu’à la dégustation. La darne de barbue juste grillée à la braise avec sa belle échalote confite fourrée aux pleurotes et une légère émulsion à la livèche (à l’arrière-goût de céleri) précède un nouvel exercice de style : la sole à la Rochelaise. Bon sang ne saurait mentir. Aurélien Largeau, petit-fils de marin, est natif de la préfecture des Charentes-Maritimes. Et comme ancien élève de l’école hôtelière, il n’a pas oublié ses classiques en revisitant la recette d’Escoffier.
Un travail de précision dans la préparation et le pochage des filets et un design très yin yang avec d’un côté les filets en arc de cercle, comme une demie cible de fléchettes, de l’autre des moules fumées posées comme à la parade sur un lit de coquillages (couteaux) et une sauce au vin rouge.
Du sucré au salé
Puis on amorce la fameuse transition salé/sucré, souvent périlleuse avec une intelligente coupelle de breuil, un fromage de brebis accompagné de quelques feuilles de mâche, des éclats de noisette et un granité citron. Un « salade et fromage », partie intégrante du repas gastronomique traditionnel, léger et rafraichissant qui signe l’entrée dans le jeu d’Aleksandre Oliver, le chef pâtissier. Un autre « premier » de la classe !
À 33 ans, l’arrière-petit-fils de Raymond Oliver, créateur en 1954 de la première émission télévisée culinaire, petit-fils du chef Michel et fils du chef Bruno a été Jeune pâtissier 2018 du Gault & Millau, Pâtissier de l’année pour le magazine Le Chef et Passion Dessert du Michelin.
Des desserts iodés
On attaque la séquence desserts par un élégant « nuage » glacé au verjus, laitue de mer (on reste sur le fil de l’iode !) et vinaigrette de raisin avant de découvrir l’étonnant exercice de style, parfaitement réussi, de la Rhub’algue : la rhubarbe, la dulse (une algue) et une belle tuile de fenouil.
En point d’orgue, on conclue par cette création hors norme d’Aleksandre Oliver, Herbes « Assez » de salicornes, très « herbacée », qui associe une meringue légère, peu sucrée et garnie d’une mousse à un mélange d’herbes terrestres, de salicornes marines et de pickles de concombre. Le tout est servi – le cérémonial, toujours - avec un cocktail original : une pétillante rasade de Fever-Tree, versée sur un glaçon d’eau de concombre préalablement infusé dans du gin !
Deuxième étoile Michelin ?
Les mignardises dégustées, les quatre heures à table ont paru bien courtes. Nous avions déjà eu la chance de tester la Table d’Aurélien Largeau il y a un peu plus d’un an. Cette fois, c’est plus qu’une confirmation mais un saut en avant qui pourrait bien conduire assez vite à une deuxième étoile…
Menu (175 €) servi uniquement au diner. Un autre menu, Ballade en Nouvelle Aquitaine, entre Saint-Jean-de-Luz et La Rochelle, en 5 escales (110 €) permet d’apprécier également l’étendue du talent d’Aurélien et Aleksandre.
Hôtel du Palais, 1 rue de l’Impératrice, 64200 Biarritz. Tél. : 05 59 41 12 34
Regards croisé Santé
- On a apprécié que les plats comportent peu de gras et de sucre ajouté. Notre menu ne proposait pas de viande… hormis un soupçon de chorizo pour relever la langoustine.
- On salue les assiettes riches en algues, des aliments peu caloriques qui apportent la quasi-totalité des minéraux nécessaires au bon fonctionnement du corps (iode, potassium, fer…). Ces légumes de la mer regorgent aussi de protéines et d’antioxydants dont les propriétés anticancéreuses ont été démontrées.
- Le petit "plus" à saluer : l'équipe en salle et en cuisine est attentive aux allergies et au sans gluten.